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Une certaine critique d’art, si répandue qu’elle est devenue vox populi, nous a habitué depuis fort longtemps, notamment depuis l’avènement de l’art « contemporain », à considérer que l’art est véhicule ou « expression » de bien des choses – du moi, des sentiments, des idées politiques, climatiques, morales –, dont semblent exclues les idées spécifiquement artistiques. Ainsi, ce que le spectateur d’une œuvre d’art est invité à « comprendre » n’est pas l’œuvre mais ce qu’elle est réputée signifier (exprimer), sens qui ne se voit ni ne s’entend paradoxalement pas, que l’œuvre « cache » ou dissimule. Conscient de cette dérive, Jankélévitch avait affirmé lors d’un interview que personne n’aime la musique pour ce qu’elle est ; il semblerait qu’il faille étendre cette vérité à un terrain plus ample : presque personne n’aime l’art pour ce qu’il est. Que signifie aimer l’art pour ce qu’il est ? Telle est la question qui oriente ce travail. Il s’agit, dans la mesure du possible, de penser l’art en tant qu’art, et l’artiste en tant qu’artiste, autrement dit en tant que créateur d’idées artistiques provoquant des émotions esthétiques. Aimer l’art pour ce qu’il est, c’est trouver le sens de l’œuvre dans l’œuvre même, se confondant avec sa beauté. L’œuvre d’art, lorsqu’elle est conçue pour être jugée comme telle, s’adresse avant tout à une sensibilité esthétique ; c’est alors qu’on peut l’appeler « objet de beauté ».