Projets de loi sur les étrangers et sur l'asile :
vieilles ficelles et innovations dangereuses
A peine lancé son programme d'intégration des immigrés, le gouvernement soumet
au vote du parlement deux projets de loi qui en démentent l'intention et les
objectifs.
La réforme d'ensemble du dispositif d'asile et d'immigration annoncée, censée «restaurer
une approche sereine» de la question, est en réalité une machine de
guerre conjuguant vieilles ficelles et dangereuses innovations.
Vieille ficelle, le retour du certificat d'hébergement façon loi Debré-1997, dont le
changement de nom en «attestation d'accueil» cache mal l'objectif de rétablir le
délit d'hospitalité.
Vieille ficelle, l'autorisation préalable de nouveau imposée pour les mariages des
étrangers, alors que la France l'avait supprimée en 1981 pour mettre sa loi en conformité
avec la Convention européenne des droits de l'homme.
Vieille ficelle aussi, l'invocation obsessionnelle de la fraude dont Charles Pasqua
en 1993 s'était proclamé grand pourfendeur, par la multiplication des mesures de
lutte contre les détournements en tous genres dont on voudrait nous faire croire
que la France est menacée : franchissement des frontières sous couvert de faux
documents et faux visas, demandes d'asile manifestement infondées, mariages
blancs, et maintenant paternité de complaisance...
Mais la réforme envisagée ne se contente pas de rabâcher. On l'a dit, elle innove,
en puisant aux pires sources, celles de «l'harmonisation par le bas» qui constitue
le cadre de la future législation européenne de l'immigration et de l'asile.
C'est ainsi que les notions de «pays sûrs» et d'«asile interne», introduites dans le
projet de loi sur l'asile, vont permettre à la France de s'exonérer à bon compte de
son devoir de protection envers les persécutés, en privant un grand nombre de
demandeurs d'asile de la possibilité d'accéder à son sol. Dans le même temps,
l'Union européenne se prépare à installer à ses frontières des camps d'internement
pour étrangers indésirables.
C'est ainsi encore que, dans l'esprit de la directive européenne relative au regroupement
familial, est remis en cause le droit au séjour durable jusqu'ici reconnu aux
étrangers admis dans ce cadre. Là où ils bénéficiaient d'une carte de 10 ans, les
membres de la famille d'un étranger installé en France ne recevront désormais
qu'une carte temporaire. Et comme tous les titulaires de ce titre précaire, ils ne
seront jamais certains de sortir de la période probatoire qui leur sera imposée.
Car loin de répondre à l'objectif affiché, le «contrat d'intégration» qui constitue la
mesure phare des annonces gouvernementales est bien là pour jouer un rôle d'épée
de Damoclès. En subordonnant, comme le prévoit son projet de loi sur l'immigration,
la pérennisation du droit au séjour à une condition d'intégration, le gouvernement
prend en réalité le risque de déstabiliser les «publics les plus vulnérables»
qu'il prétend protéger.
Dans ce contexte, les quelques avancées proposées sur le plan de la double peine,
bien insuffisantes au regard des revendications portées depuis des années par les
associations, font figure de leurre.
Pour le Gisti, cet ensemble de mesures constitue la remise en cause la plus fondamentale
du statut des étrangers en France depuis qu'en 1984 le législateur a institué
le titre unique de séjour et de travail. Il dénonce les projets désintégrateurs du
gouvernement Raffarin, et demandera aux parlementaires de les rejeter.