Les essais réunis dans ce volume interrogent aussi bien le temps
des oeuvres que le temps à l'oeuvre, c'est-à-dire sa formulation
narrative mais également son pouvoir d'érosion et de genèse qui
affecte les hommes, les livres qu'ils écrivent ou qu'ils lisent et les
genres littéraires qu'ils pratiquent. Si l'on veut explorer l'oeuvre
du temps, on ne peut s'en tenir à l'hypothèse que les intrigues
se contentent de mettre en ordre l'histoire et de la doter d'un
sens, il nous faut à l'inverse définir les fondements d'une poétique
de la discordance narrative qui permette de suivre le
glissement du sens dans le temps. Cette réflexion sur le temps
soulève une question subsidiaire mais non moins essentielle :
«D'où vient le récit et où va-t-il ?» Tenter de répondre à cette
question exige de sortir de l'emprisonnement textualiste pour
penser la manière dont la narration émerge de la vie et retourne
à elle. Il s'agit aussi de marquer la différence qui existe entre les
récits qui visent à clarifier le passé, ceux qui veulent en témoigner
fidèlement, et ceux enfin qui mettent en scène des histoires
inachevées, tournées vers un avenir à vivre ou à lire. Face à la
crise que connaissent aujourd'hui les études littéraires et à
l'inquiétude que génèrent les usages médiatiques, politiques ou
économiques du storytelling, il s'agit de rappeler que la théorie
narrative permet de reconnaître dans la littérature le plus fascinant
des laboratoires du récit. Si l'homme n'est pas autre chose
qu'un faisceau d'histoires, alors l'analyse narratologique des
oeuvres littéraires demeure la voie royale pour accéder à son
humanité.