Sous la direction de Jean-Nicolas Illouz Ce livre interroge le genre lyrique en faisant porter l'accent sur les fonctions du destinataire dans le poème, sur les figures de l'adresse, et sur le geste de don qui accompagne l'oeuvre. La parole lyrique, invoquante ou désirante, y apparaît comme une parole fondamentalement tutoyante, tournée vers un interlocuteur qui cependant se dérobe, comme si l'énonciation poétique ne se soutenait que de l'inconnu de sa destination. Plusieurs figures font poindre cette place, nécessairement vacante, de l'autre dans le poème. Il peut s'agir sans doute de figures restreintes : une figure grammaticale (le vocatif), ou des figures rhétoriques (l'apostrophe et ses divers développements, comme l'hypotypose), elles-mêmes filées ou amplifiées dans des formes poétiques fixées par la tradition ou disséminées dans les écritures de la modernité, comme l'envoi, l'épigramme, l'éloge, l'hommage, le thrène, le toast, ou le tombeau... Mais aucune figure ne suffit à désigner à elle seule la part de l'autre dans la parole. Parce que celle-ci est inassignable, elle est aussi partout dans la langue dès que l'on parle ; si bien que l'apostrophe engage en réalité tout le travail du poème, auquel elle donne sa pulsation initiale, et dont elle constitue le ryhtme fondamental. En réfléchissant sur les différentes manières dont le don du poème se met en scène dans le texte (par exemple à travers les tours et les détours d'une dédicace, dans le repliement de l'oeuvre sur elle-même ou au contraire dans son ouverture qui la voue à une réception imprévisible), ce ivre prend donc pour objet la communauté qu'instaure le partage du poème, que cette communauté se pense au miroir de modèles sociaux existants ou qu'elle joue de sa dissidence, qu'elle se garantisse de quelque grand Autre (qui sacralisait jadis l'offrande poétique) ou qu'elle se reconnaisse désormais adossée à la solitude d'écrire.