(...) Le travail de Sophie Rétif sera assurément labélisé comme participant des études
de genre/gender studies. Une telle caractérisation ne sera pas fausse, mais elle
pourrait être restrictive. La manière dont hommes et femmes s'investissent dans les
trois sortes d'associations mises en comparaison en France et au Portugal est bien
centrale. Mais, on le verra, Sophie Rétif n'appréhende pas les personnes qu'elle côtoie
dans une identité sociale qui se réduirait au genre : elle combine cette dimension à
celles des trajectoires, de l'éducation, des métiers et des générations, des effets des
positionnements idéologiques. On pourrait dire, lui prêtant alors une autre modernité
théorique, qu'elle travaille sur et avec de l'«intersectionnalité». (...)
S'il fallait condenser ce que cette thèse apporte de plus original, c'est sans doute,
selon le mot d'une membre de son jury, de nous sortir de «l'explication du genre par
le genre». En d'autres termes, les rapports de genre, comme relations de pouvoir
et d'asymétrie entre des hommes et des femmes, sont souvent pensés comme le
prolongement dans divers univers sociaux (loisirs, travail, militantisme) d'inégalités,
de divergences de dispositions préexistantes. C'est parce que la prime-socialisation,
la famille, l'école, le catéchisme ou les médias ont cristallisé des rôles et des
dispositions, plus encore dotés garçons et filles de ressources distinctes et inégales,
que les rapports de genre se perpétuent. Sophie Rétif montre en quoi cette lecture est
insuffisante. Tout espace social où s'organisent des rapports de genre apporte à leur
structuration sa contribution propre. Cela veut dire qu'il faut ici prendre au sérieux
les idéologies, les croyances comme affectant les anticipations et comportements
ouverts aux femmes et hommes au sein des associations. (...) Ici encore, avec ce
confort de lecture qui consiste à offrir des analyses stimulantes et bien construites
sans les hérisser d'une envahissante signalétique théorique, Sophie Rétif met en
oeuvre les fondamentaux d'une analyse de genre intelligente. (...)
Si la publication de cette belle thèse pouvait à sa manière contribuer à élargir le cercle
des lecteurs, des réseaux et entrepreneurs sociaux qui tirent profit de ses conclusions,
le plaisir que nous avons eu à contribuer à son avancée en serait redoublé. (...)
Virginia Ferreira et Érik Neveu