Lorsque les mots perdent leur identité, sortent des dictionnaires, que le texte se fait de plus en plus chaotique, le sens se perd dans l'illusoire cohésion de l'accumulation de phonèmes. Inextricable espace tensionnel de figures labyrinthiques, la poésie contemporaine, escamotant la structure même de la phrase, renoue avec des traditions oubliées en quête d'une nouvelle musicalité.
Des Grands Rhétoriqueurs à Pierre Guyotat, des fatras de Jean Molinet aux contraintes oulipiennes, le sens, qu'on ne saurait confondre avec la signification, noue indéfiniment des formes d'équilibre qui inlassablement séparent les espèces. Dans ces expériences extrêmes, du zaoum de Khlebnikov, du bégaiement de Ghérasim Luca, de la verbophonie de Pétronio, du spatialisme de Pierre Garnier, des crirythmes de Dufrêne, le sens devient l'énigme d'un matériau littéraire qui s'origine dans les tréfonds de l'ombre des mots où la diversité des nuances se résout dans la diaprure des couleurs.
« Une forêt stimulante de penseurs, de poètes, d'esprits originaux », au coeur du sens dans les écritures expérimentales, souligne Jean Pruvost qui préface l'ouvrage.