Sensible à l'idée du regard porté sur l'autre à travers le prisme de nos histoires communes, Bernard Brisé a élaboré cette série « Lomé / Paris » lors de deux résidences artistiques menées avec l'association Filbleu, la Commission nationale de la francophonie et l'institut français du Togo. Bernard Brisé associe sur une même photographie une personne ou un groupe de personnes réelles à une image d'Épinal, une sorte de carte postale emblématique de Paris et de la tour Eiffel. Pour lui, le processus d'exotisation consiste à déconnecter un lieu et des personnes de leur contexte local et à les replacer dans un autre cadre.
Dans son travail, le mur occupe une place essentielle : il joue le rôle de fond, d'élément du décorum qui décontextualise, mais aussi celui de support d'apparitions, d'écran d'images plus ou moins fantomatiques de ce symbole de la capitale française. Par un effet de surimpression réalisé en post production, il intègre une vue de Paris aux portraits réels afin de n'obtenir qu'une seule image réunissant les deux éléments. Ce Paris à la tour Eiffel, vécu ou fantasmé, destination rêvée par beaucoup car archétype du luxe et de la réussite sociale mais aussi symbole de l'exposition universelle de 1889 et de ces insoutenables villages indigènes érigés à la gloire de l'empire colonial, nourrit l'image telle une mise en abyme aux multiples degrés de lecture. Ici, le paradigme est inversé : l'humain, l'Africain, s'affirme en sujet principal alors que la tour Eiffel investit le décor se muant, à son tour, en une image dérisoirement exotique.
Dans ses photographies, Bernard Brisé confronte deux environnements qui invitent à une nouvelle interprétation, à la lisière de cette cohabitation ambiguë liant réalité et comédie humaine. Entre légèreté et gravité, il questionne de façon allégorique les notions de culture, d'acculturation et d'altérité.