« En 1980-1981, je terminais mes études de médecine en France par un stage d'interne dans un hôpital d'une petite ville rurale. J'étais loin de mon université de référence, loin des hôpitaux où j'avais été formé, et sans aucun contact sur place avec des médecins hospitaliers. J'étais livré à moi-même, sûr de rien dans mes connaissances, et confronté tout de suite à un lieu rempli de gens âgés et proches de la mort. [...]
Je décidai de passer dans toutes les chambres pour photographier toutes les personnes, avoir ainsi la mémoire de tous les visages. Et surtout je décidai de faire ces photographies en noir et blanc, simplement parce que je n'aimais pas les couleurs (in)hospitalières des lieux.
Au développement des photos, ce fut une révélation. Tout ce que j'avais quotidiennement sous les yeux et que je ne voyais pas me sautait littéralement à la figure : la souffrance morale des gens, leur solitude extrême, leur attente impatiente de la mort libératrice, leur colère si violente contre nous, les personnels, qui leur infligions une telle vie. [...]
En 1983, j'ai écrit et soutenu ma thèse, faisant de celle-ci un témoignage sur une expérience vécue plutôt qu'une étude technique. [...] Je suis retourné dans des centres de Long Séjour pour y réaliser ce qui fut ma première vraie série de photographies, les visages de vieillards. Et je décidai de faire des études de photographie après avoir vendu mon cabinet médical. C'était en 1986. »
Philippe Bazin
La thèse du photographe, publiée ici dans son intégralité, est accompagnée de 30 de ses images de vieillards ainsi que des textes du philosophe Sidi Mohammed Barkat et du gérontologue Réjean Hébert. Un entretien entre le photographe et l'historien de l'art Morad Montazami pense le travail de Philippe Bazin dans le champ de l'art contemporain.