De l'amour fracassé il ne reste rien, que quelques traces furtives (à peine un ongle rose), un corps traversé de manque, et le désarroi sans fond que creuse l'abandon.
C'est ce moment que choisit le récit pour ouvrir son flux serré, sa fureur contenue, ses cassures et ses reprises et, peut-être, son refus rageur d'abdiquer.
A l'écoute des pulsations infiniment brisées et diffractées de la ville peuplée de visages et de destins troués de solitude, dans les néons de Pigalle, auprès des petites vieilles des Batignolles, des travelos des anciennes fortifications ou dans les bar-PMU des banlieues émigrées, les coups que le dehors inflige à la conscience de la narratrice sont comme un écho de ceux du dedans - le style glisse avec une parfaite pudeur et justesse de ton d'un registre à un autre, du politique à l'intime, tout naturellement.
«Parle-moi de l'amour, s'il te plaît, parle-moi de l'amour, c'est tout ce que je te demande», lui dira l'écrivain serbe cassé par la guerre. Et dans un dernier et très beau retournement, le texte parvient à réajuster une fragile perspective. De celui qui raconte ou de celui qui écoute, lequel est le voleur de vie, lequel le voleur de mots ?
Roman.