Contemporain de la crise de la philosophie de la seconde moitié
du XIXe siècle, Brentano a voulu contribuer à sa renaissance en
revenant à ses sources aristotéliciennes. Husserl a reconnu sa dette
- celle de toute la phénoménologie -, et Heidegger aussi, envers ce
philosophe autrichien en qui ils voyaient celui qui les avait conduits
à la philosophie. Dans sa Psychologie du point de vue empirique, il
avait défendu la thèse de l'intentionnalité des faits de conscience et
esquissé une théorie de l'évidence. Fondamentale pour l'ensemble
de sa philosophie, et en particulier pour penser la rectitude ou la
correction du jugement et des sentiments d'amour et de haine,
cette théorie ne sera pleinement élaborée qu'en 1889 dans L'Origine
de la connaissance morale.
Cette conférence, et celle, contemporaine, relative à l'évidence,
ainsi que l'ensemble des dictées posthumes qui s'échelonnent de
1889 à 1915 permettent d'en saisir la nature et l'évolution. Récusant
aussi bien le kantisme que l'utilitarisme, L'Origine de la
connaissance morale sera discuté par les membres du Cercle de
Vienne et inspirera, outre Husserl, la phénoménologie morale de
Max Scheler. Brentano ne s'est pas contenté d'exposer le versant
éthique de sa pensée sans lui donner une assise dans la sphère de la
logique : c'est le rôle dévolu à La Doctrine du jugement correct qui
invite, de son côté, à une réforme d'autant plus radicale de la
logique qu'elle met en question la théorie prédicative traditionnelle
du jugement.