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Dans la galerie de portraits du Moyen
Âge en France, celui de Louis VI, au
tournant des XIe et XIIe siècles (1108-
1137), fait au premier abord piètre
figure. Un gros roi, courageux mais pas
très malin, des temps obscurs, un
pouvoir déchu qui survit entre Paris et
Orléans en livrant des luttes mesquines,
des coups de mains contre des forts de
madriers sur leur motte, des embuscades au coin des bois. C’est
pourtant ce roi-là qui pour longtemps fixa l’image à laquelle les
uns tentèrent de ressembler et les autres de croire.
Car Louis, sixième du nom mais premier dans sa lignée capétienne,
ce gros Louis qui mourut dans un lit, semi-impotent,
n’était pas seulement un mangeur, c’était un aventurier. Et les
aventures de sa jeunesse avaient été les combats par lesquels
commença le lent enforcement du pouvoir royal en France, un
mouvement inverse de celui qu’allait connaître l’Angleterre. Dans
la génération qui suivit sa mort, on mesurait le chemin parcouru,
témoin un Anglais, accoutumé à la puissante royauté de son
pays, qui disait du défunt : “ Dans sa jeunesse, il ne pouvait aller
plus loin que la troisième lieue hors des portes de Paris sans
permission ou escorte des grands d’alentour … ‘Le Seigneur le tira
du sommeil’, il lui donna le désir de se battre et la grâce de gagner
souvent, couronnant ses efforts par l’établissement de l’unité et de
la paix à travers toute la France”. »