Louise de Vilmorin revint à de multiples reprises sur cet épisode de son enfance où, de retour de promenade, elle constata avec effroi que sa poupée préférée, la seule, la «poupée chimère», avait disparu. Froide et indifférente, sa mère l'avait donnée, pour la distraire, à la fille d'une amie de passage.
Louise fit là l'épreuve de l'irréparable, que nous sommes tous appelés à connaître sous une forme ou sous une autre ; et vit ensuite dans cet objet perdu la source de tous les objets dont elle aima à s'entourer sa vie durant, élaborant un «art de vivre» qui loin de se réduire à un superficiel sens du decorum lui fut véritablement essentiel.
Ses livres autant que sa vie sont ainsi ponctués de décors magiques et de scénographies rêvées qui renvoient comme autant d'échos de sa fantaisie. C'est à cet art que cet album veut rendre hommage, rassemblant pour la première fois images et portraits par les plus grands photographes (de Beaton à Brassaï), décorations intérieures et photos de famille, tableaux naïfs et dessins de mode, écrits autobiographiques et petits essais : mosaïque, en un mot, de souvenirs et d'objets de plaisir - le plaisir n'étant jamais chez Louise que l'ombre portée d'une légère mais poignante tristesse.