Lucia Joyce, folle fille de son père
Lucia Joyce. Le patronyme résonne, fracassant, quand le prénom a sombré dans on ne sait quel oubli. Pourtant, Lucia, fille de James Joyce, fut l'inverse d'une absence. Toute sa vie durant, son corps était criant de vie, d'une vie à rebours. Danseuse empêchée au regard déviant, sans cesse hantée par une présence qu'on lui refusa d'assumer, quitte à l'enfermer pour de bon, celle qui fut tour à tour l'élève de Raymond Duncan, l'amoureuse de Beckett, la patiente de Jung ne pouvait finalement trouver sa voix que dans un rôle unique : celui de fille. Tandis qu'elle cherche à retracer, à ressasser la vie de son père par des souvenirs qui labourent comme une litanie sa conscience, c'est finalement son propre roman qu'elle écrit ici. S'il y a des magiciens, Eugène Durif en est un. Et on ne sait plus qui de lui, de Lucia ou de James Joyce tient la baguette, tant ce livre épouse au plus près le rythme ému et pulsatile de son sujet.