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C’est au professeur Jean-Pierre Sirois-Trahan que nous devons la redécouverte de ces 88 chroniques de cinéma parues dans Le Clairon de Saint-Hyacinthe entre 1947 et 1949. Nous y retrouvons un jeune loup de vingt-cinq ans, féroce, irrévérencieux, abusant sans vergogne d’un franc-parler dont il a dû bien sûr se défaire en entrant à Radio-Canada puis en politique. Et qui se révèle un éblouissant styliste. Il est important de souligner que René Lévesque n’aborde pas la critique cinématographique en dilettante. Il fait preuve d’une impeccable érudition, et nous donne l’impression d’avoir tout vu, des classiques aux productions les plus commerciales. Il fait alterner critiques pointues et analyses plus larges sur les conditions de production et de diffusion des films, particulièrement au Québec, petit territoire culturel inconfortablement engoncé entre la France et les États-Unis. Lévesque tient d’ailleurs des propos sur le doublage des films qui ne manqueront pas d’étonner. S’il s’enflamme quand il veut partager ses enthousiasmes (pour Rome, ville ouverte ou Le Diable boiteux, par exemple) ou quand il parle de ses réalisateurs de prédilection (Ford, Lubitsch, Hitchcock), s’il déploie une inattendue sensibilité en dressant de passionnants parallèles entre l’art d’un Jouvet, d’un Fresnay ou d’un Barrault, il sait se montrer d’une réjouissante méchanceté quand il s’agit de dénoncer les travers d’un art qui prend trop souvent l’aspect d’une industrie. Il multiplie les sarcasmes pour exposer la bêtise de ses « collègues » critiques, les ciseaux hypocrites de la censure, l’emprise mortifère du clergé sur la culture, les productions stéréotypées d’une part importante de la production hollywoodienne et la banalité d’un certain cinéma français qui l’imite servilement. Il pose enfin un regard sans complaisance sur la production locale. Par la vaste culture de leur jeune auteur, par son intelligence, par sa largeur de vues, ces textes offrent un portrait unique de la vie culturelle dans le Québec de l’après-guerre.