«J'ai d'abord su voler. Je sais que beaucoup l'expérimentent lorsqu'ils vont s'endormir, éprouvant ce vertige irrésistible, quand le corps se débat, tournoie dans un vide sans fin.
Mais pour moi c'était vrai. Tôt le matin, l'après-midi en été, le soir après l'école, un peu avant la nuit : j'affirme avoir volé tous les jours jusqu'à l'âge de huit ans. Et je conserve aujourd'hui encore une mémoire si précise de chacun des voyages, le temps, les rencontres et les sensations, qu'il me semble impossible de ne les avoir point vécus. Le rêve ne marque pas la vie avec une telle précision. Et l'eût-il fait que je m'en remettrais aussitôt à cette réalité paradoxale comme à la seule expérience authentique qui me soit jamais advenue. J'ai existé par le vol. Tout le reste, après, mérite à peine qu'on le dise.»
Le vol ou l'art du vide ; le vertige ou l'art de l'abîme ; le fil ou l'art de l'équilibre : une somptueuse symphonie en trois mouvements, ou comment le principe de gravité rappelle à leur destin les âmes brisées par une enfance meurtrie.