Machiavel, théoricien du pouvoir politique, de son exercice et
de sa conservation a inspiré ou servi de repoussoir à plus d'un chef
de guerre, espion ou gouvernant, à commencer par Charles Quint,
dont il vit l'armée mettre Rome à feux et à sang en 1527. Son nom
a engendré un adjectif qui évoque fourberie, cynisme et manipulation.
Il n'est généralement pas accepté par les philosophes
comme l'un des leurs. Malgré cette «étrangèreté» de Machiavel
à la philosophie soulignée par la plupart des philosophes, ces
derniers sont nombreux à l'avoir lu, discuté et commenté : les
écrits de Machiavel semblent concerner les philosophes politiques,
et aujourd'hui, nombre de penseurs politiques de cultures
diverses, voire opposées (marxiste, libérale, républicaine).
Machiavel a pensé et écrit de telle manière que la philosophie
politique s'est trouvée mise en question par son oeuvre dans ses
finalités (notamment celle de concevoir le meilleur régime et d'en
énoncer les conditions de possibilité), ses modalités de raisonnement
(le souci de cohérence, de rigueur logique, de conceptualisation,
voire de systématicité) et ses postures à l'égard de la cité.
Ce qui est interprété chez Machiavel comme non-philosophique
dénote en fait une certaine conception de la philosophie.
Comment comprendre, à partir du rapport à la tradition philosophique,
l'oeuvre de Machiavel ? Comment interpréter en retour
l'effet de celle-ci sur la philosophie ? Cet ouvrage cherche à proposer
des éléments de réponse à ces deux interrogations.