Mme d’Arconville appartient tout à la fois au monde des lettres et à celui des sciences. Elle aime Rousseau et Voltaire, mais déteste les philosophes. Elle s’adonne à la botanique, à l’anatomie et à la chimie, puis à l’histoire. Enfermée dans son laboratoire ou penchée sur des manuscrits de la Bibliothèque royale, elle n’en fréquente pas moins les cercles littéraires, artistiques, politiques, scientifiques et médicaux. Tout en traduisant le Traité d’Ostéologie de Monro et les Leçons de chymie de Shaw (1759), elle mène un ambitieux programme de recherches (Essai pour servir à l’histoire de la putréfaction, 1766). Elle traduit tous les genres littéraires de l’anglais et de l’italien (éducation, roman, théâtre, poésie…) et publie des romans et des ouvrages de morale, avec un succès tel qu’ils sont attribués à Diderot… et qu’un essai de Frédéric le Grand lui est attribué ! Pour bien marquer sa propriété sur une œuvre éclectique, elle la réédite, sans dévoiler son identité (Mélanges de littérature, de morale et de physique, 1775-1776, 7 vol.), et se consacre à l’écriture de l’histoire.
Qu’est-ce que faire de la science pour une femme de la haute société sous Louis XV ? Que signifie cette soif de savoir et d’écriture qui la pousse à reprendre la plume vingt ans après avoir renoncé à publier ? L’éclectisme et l’anonymat fournissent des clés pour mieux comprendre l’insertion du champ scientifique dans la culture des Lumières et la place de la traduction dans une ambition qui refuse de s’exposer dans l’espace public.
Ce premier ouvrage consacré à Mme d’Arconville invite à revisiter « l’ambition féminine au XVIIIe siècle », à la suite d’Élisabeth Badinter, et à dépasser la figure traditionnelle des salonnières pour découvrir des femmes plus discrètes et des œuvres oubliées qui ont compté en leur temps.