Madame Gervaisais, le dernier roman écrit en commun par Edmond et Jules de Goncourt, a longtemps été sous-estimé par la critique et ce n'est que depuis peu de temps qu'on assiste à une revalorisation timide. En effet, l'oeuvre qui n'avait reçu que peu d'attention de la part du public lors de sa parution en 1869, est dès lors susceptible d'être comptée parmi les meilleurs romans des deux frères et d'occuper une place privilégiée dans l'histoire du roman réaliste de la seconde moitié du XIXe siècle. En faisant écho à Madame Bovary de Flaubert et en anticipant sur la technique naturaliste d'Émile Zola, ce diagnostic d'une névrose religieuse et d'une dégradation féminine sous l'impact du milieu romain, représente bien une gageure esthétique en ce sens que l'action dépourvue d'intrigue romanesque a comme seule fonction de décrire le processus de déperdition d'une femme supérieure sous l'influence des conceptions médico-scientifiques de l'époque. Aucun auteur n'avait osé, jusque-là, aller si loin. La présente édition critique est la première à faire un relevé complet des variantes du manuscrit et de l'édition princeps en comparaison du texte définitif publié du vivant d'Edmond de Goncourt. Une introduction substantielle fait valoir toute la richesse conceptuelle et stylistique, voire certains paradoxes de cette oeuvre très personnelle.