Reine de Tendre ou souveraine des Précieuses, « institutrice des mœurs » d’après Sainte-Beuve ou nouvel « oracle de la galanterie », comme le lui écrivait en 1654 son ami Antoine Godeau, l’évêque de Grasse, l’« illustre Sapho » - autre avatar de Madeleine de Scudéry - a suscité dès l’origine les qualifications les plus diverses. Mêlée aux premières satires des Précieuses, exemplaire dans ses stratégies de résistance à cette entreprise polémique, fondatrice enfin, pour ses contemporains, d’une lignée moderne de femmes de lettres à qui elle aura ouvert, non sans difficultés, le chemin de l’écriture, la romancière occupe désormais dans l’histoire littéraire une place que nul ne songe plus à lui contester. Même si cette place reste, précisément, à mieux situer dans des territoires dont les contours sont en pleine redéfinition, à l’heure où les catégories majeures (classicisme, baroque, préciosité, galanterie) se voient aujourd’hui l’objet d’un salutaire réexamen. L’œuvre elle-même, dans sa richesse et sa diversité, s’ouvre enfin aux lectures savantes, après avoir été longtemps occultée par la figure presque mythique de sa créatrice - la « griffonneuse Sapho », selon le mot cruel de Chapelain -, et trop souvent traitée comme simple document pour une lecture pseudo-historique de la société française au xviie siècle, de ses usages mondains et de ses figures légendaires. C’est dire qu’il était temps de consacrer à Madeleine de Scudéry un colloque dont l’occasion (la célébration du tricentenaire de sa mort) offrait un prétexte à l’urgence. Dix ans tout juste après le colloque du Havre consacré aux Trois Scudéry, le moment paraissait venu d’offrir à la seule Madeleine une première moisson d’essais critiques, susceptibles d’interroger les divers aspects de son œuvre, d’en apprécier la portée, d’en évaluer les lectures.