J'habite par 48°39' Nord et 2°01' Ouest. J'y prends le vent dans tous
les sens ; j'y prends la mer (quelquefois) ; je prends mon temps ; des mots
me surprennent à la va-comme-je-te-pousse.
Je n'écris pas de poésie figurative, je défigure et c'est du tohu-bohu
élémentaire et verbal que je mets en espace, en musique, en crise, en
désordre, que je bricole avec ma caisse à outils. Il y a un piéton anonyme,
une figure nomade et bancroche en marche dans les nuits dévorées
dévorantes, sous les mansardes hirsutes chevelues des cieux en bataille ;
la mer bossue s'affuble et se démène ; une étoile fume ; les pluies picotent
un lièvre, des schistes, un deltaplane ; la forêt sent le bétail bleu et le poumon
froid. Il y a dans certains coins, dans les ombres de cet état de
choses, le formidablement discret sourire, le désordre limpide et déchirant
de Dieu.
Le passant pisse aux lisières, il bée dans la rature des choses ; les vents
bourrus effacent ses traces ; éberlué, il dégoise ses rengaines, ses palimpsestes,
ses psaumes sans trémolos lacrymogènes, il ne regarde pas lyriquement
son nombril ; il court plus loin, il baguenaude, il passe outre, droit
devant, droit devant...