Philippe Bernardi, spécialiste de la construction, s’intéresse dans cet essai à l’une des images fortes de l’histoire sociale du travail : celle d’une hiérarchie qui, au Moyen Âge diviserait les producteurs en maîtres, valets et apprentis. Partant de l’analyse des principales synthèses publiées dans ce domaine au cours des cinquante dernières années, Philippe Bernardi s’attache, en premier lieu, à envisager le sens communément donné à cette tripartition avec ses limites, ses contradictions et ses implications ou présupposés. L’examen engagé se poursuit par une recherche des fondements historiographiques et des modalités de diffusion d’un sens commun, à partir des écrits des Chrétiens sociaux, au XIXe siècle, et en lien, notamment, avec la notion de corporatisme. Une fois le modèle replacé dans une perspective historique, il convenait de le confronter aux documents médiévaux. C’est l’objet de la dernière partie de l’ouvrage, consacrée à une étude de l’organisation de la production dans la Provence des derniers siècles du Moyen Âge. L’enquête conduite à une échelle régionale montre alors que dans certains cas au moins, la structuration des relations professionnelles reposait plus sur une série de dualismes mouvants (ouvriers qualifiés et non-qualifiés : entrepreneurs et sous-traitants ; maîtres et dépendants) que sur le système ternaire de la hiérarchie maître, valet, apprenti.