Toute civilisation se fonde sur un ensemble de normes et de valeurs essentielles dont la transgression est jugée intolérable. Parmi les intolérables les plus intolérables de nos civilisations occidentales contemporaines figure sans aucun doute un ensemble de faits appelés « maltraitance envers les enfants ».
Cette étude, fruit d'une enquête de terrain dans les arcanes d'institutions de protection de l'enfance genevoises, met en lumière des réalités ignorées ou tues et entend contribuer à une démystification du rapport social à la question de la maltraitance ; elle nous conduit à considérer la maltraitance comme un révélateur de nouvelles définitions sociales du bon parent et du nouveau statut associé à l'enfant. Mais également un révélateur de la question sociale contemporaine. En effet, la question de la « maltraitance » dominée par des représentations morales et pénales renvoie également à une dimension sociale cachée : des inégalités bien connues en matière de ressources matérielles et culturelles semblent se manifester maintenant sous forme de nouveaux clivages entre ceux qui disposent des savoirs et des savoir-faire légitimes en matière de « caring » et ceux qui ne semblent pas être à la hauteur de cette tâche.
Le dispositif émergent de « bientraitance » risque par-là de retraduire une distance sociale en distinction morale.