Qui, quelle nuit ce fut ! Je me souviens que c'était au crépuscule,
comme ce serait maintenant, ou tel autre soir ; - ce nuage rouge, là, qui
stationne au sommet de l'Eiger, y stationnait alors, - si bien que ce
pourrait être le même ; le vent était faible et nerveux, et les neiges des
monts commençaient à scintiller sous la lune croissante ; le comte
Manfred se trouvait, comme à présent, dans sa tour - occupé à quoi,
nous ne le savions pas, sinon qu'il avait avec lui le seul compagnon de ses
errances et de ses veilles : - elle, qui, de toutes les créatures vivant sur la
Terre, était la seule qu'il semblait aimer, - comme bien sûr, par le
sang, il était tenu de faire, - la Dame Astarté, sa -
Admirée de George Sand, de Victor Hugo, de Nietzsche,
Manfred est l'oeuvre majeure du Romantisme anglais, le Hamlet du
XIXe siècle. Avec ce poème, Byron a créé le plus fascinant des
grands révoltés, le plus émouvant des amants frappés par la
fatalité.
En lui-même, il a puisé les douloureuses contradictions qui
rendent son personnage terriblement humain. À l'éternelle beauté
des Alpes, il a emprunté le décor des scènes merveilleuses qui
jalonnent la quête de sens de son personnage : comme la nuit
succède au jour, les descriptions rêveuses succèdent aux discussions
philosophiques. La fière et triste existence de Manfred eût
pu se prolonger ainsi de longues années ; mais pour le puissant
mage était venu le temps de la délivrance...
Voici enfin la première édition critique du chef-d'oeuvre de
Byron : cette nouvelle traduction, fidèle et élégante, est complétée
par une présentation et par des notes détaillées entièrement
inédites, permettant de mieux apprécier la richesse du poème. Elle
comprend en outre la première version du troisième acte, et elle est
assortie d'une bibliographie.