Manger la mer
Notre cuisine de la mer serait trop forte en gueule : trop d'ail, trop d'huile d'olive, trop de safran. Notre bouillabaisse aurait trop d'accent. C'est faux, chaque soupe de la mer se renouvelle, mais chacune tient à ses caractéristiques, liées aux produits utilisés, aux lieux, aux saisons, aux humeurs. Dans les soupes de la mer, peu de produits sont strictement nationaux, ou tout à fait exotiques, partout des poissons, de l'huile, de l'ail, de l'oignon... Les déchets eux-mêmes se ressemblent...
Les variations portent sur un petit nombre d'éléments, et elles touchent à l'intimité. Ce n'est pas le fumet singulier de tel poisson en plus ou le fumet particulier de tel crustacé en moins qui peut relever ou affaiblir votre soupe, c'est ce que le poisson en plus ou le crustacé en mois apporte ou enlève à la saveur d'ensemble. La soupe ne se sépare pas du pot et le pot produit une part d'inconnu. La cuisine est un mot pour désigner un ensemble et le distinguer, mais ce sont les recettes qui comptent, et le travail au fourneau.
Le poète Henri Deluy nous invite à un tour du monde des bouillabaisses et autres soupes de poissons. De ses nombreux voyages, il a rapporté plus d'une centaine de recettes qu'il a réunies ici pour notre plus grand plaisir.