Le mythe est vieux comme le monde et il a survécu
à toutes les révolutions éducatives, de Rousseau
au bon docteur Spock : toute enfance est à façonner.
Plus encore, à contraindre.
Depuis quelques années, notre civilisation du malaise
a créé une nouvelle effigie de l'enfance : de plus
en plus nombreux seraient les sauvageons, recensés
dès la crèche, caïds des cours de récré des écoles
maternelles, enfants rois sans bornes et sans limites,
ne respectant rien ni personne, voire maltraitants
à l'égard de ceux qui les élèvent ou les éduquent.
Ces nouveaux enfants terribles qui semblent
émerger dans l'espace social existent-ils vraiment ?
Le danger qu'ils représentent pour notre si chère
société libérale avancée requiert-il autant de décrets,
d'arrêtés, de rapports, de mesures de prévention
«musclée» qui sont autant de vélléités de façonnage,
de formatage des poupards du XXIe siècle ?
Ce manifeste dit haut et fort qu'il faut cesser
d'embarquer l'enfance dans ces politiques de la peur
et de la culpabilité aujourd'hui si largement
conduites. Qu'il faut laisser aux enfants leur temps
d'enfance, un temps hasardeux, riche d'improbables
fortunes et d'ahurissantes métamorphoses.