L'œuvre de Carné entre 1935 et 1945 symbolise l'une des périodes les plus créatives et les plus prestigieuses de l'histoire du cinéma français. Pendant cette décennie, le cinéaste réalise sur des scénarios de Jacques Prévert, des films qui font partie du patrimoine culturel de la France et du monde : Le Quai des brumes (1938), Le Jour se lève (1939), Les Visiteurs du soir (1942) et Les Enfants du paradis (1945). Mais leur valeur n'est pas seulement esthétique, ils mettent en lumière l'impact social et politique de la création artistique, dans une période marquée d'abord par le Front Populaire, puis par la Défaite, la Débâcle et l'Occupation.
Edward B. Turk renouvelle complètement l'étude de ces films pourtant célèbres, par l'utilisation des archives personnelles et professionnelles déposées par Carné à la Bibliothèque française de Boston, et grâce aux entretiens qu'il a eus avec le réalisateur et ses collaborateurs artistiques. Articulant des approches historique, culturelle, esthétique et psychanalytique, il analyse les rapports contradictoires entre l'esthétique du réalisme poétique et les sympathies de Carné pour la gauche. Il resitue l'activité du cinéaste par rapport à la responsabilité des artistes en temps de guerre. Il utilise les concepts psychanalytiques d'androgynie, de masochisme, de fétichisme et de scène primitive pour mieux comprendre l'univers de Carné. Il explore les expressions masquées de l'homosexualité du cinéaste et en montre l'étendue et l'impact. L'ouvrage propose en particulier une étude approfondie du chef d'œuvre qu'est Les Enfants du paradis.