Qui est Mardochée Naggiar ? Un inconnu dont les traces
ténues sont d'emblée intriguantes. Dans son journal, un
missionnaire anglais, ayant séjourné à Tunis en 1824, parle
de ce juif cultivé, auteur d'une grammaire et d'un lexique
berbères, qui lui enseigne l'arabe, devise librement sur la
condition de ses coreligionnaires et a de l'entregent, tant à
Paris chez quelques savants qu'à Tunis au palais beylical.
C'est bien assez pour lancer Lucette Valensi sur sa piste.
L'historienne mène l'enquête, accumule les indices, convoque
les témoins et cerne progressivement son personnage à travers
les images réfractées par ceux qui furent ses interlocuteurs
ou ses contemporains. On découvre ainsi Naggiar à Paris
sous le Consulat et les premières années de l'Empire, puis à
Trieste, et enfin à Tunis. Autour de lui, c'est tout le milieu
de l'orientalisme en Europe, du négoce à Tunis, de la cour
au Bardo que l'auteur met en scène. Avec talent et vivacité,
elle rend vie à Mardochée Naggiar à la croisée de plusieurs
routes. Le portrait d'un individu singulier qui n'était pas
voué à la postérité.