Margaret Stonborough-Wittgenstein (1882-1958) est une
figure de la Vienne bouillonnante où, à l'aube du XXe siècle,
s'est inventée notre modernité. Quelques noms signent
cette époque : Sigmund Freud, Gustav Klimt, Arnold Schönberg, Adolf
Loos, Ludwig Wittgenstein... Margareth Stonborough-Wittgenstein
était une intime de Freud, dont elle fut tardivement la patiente ; Klimt
a peint son portrait, à l'époque de ses fiançailles, comme un idéal de
la beauté fin de siècle ; quant à Ludwig Wittgenstein, son petit frère,
il lui est redevable d'une ouverture précoce à tous les domaines de la
culture, dans leurs expressions les plus novatrices.
Collectionneuse avisée et téméraire, elle fut pour les artistes de la
Sécession viennoise (Wiener Secession) un irremplaçable mécène.
Fascinée par les formes nouvelles de l'architecture, elle passa
commande de bâtiments désormais célèbres : la Villa Toscana,
à Gmunden, rebâtie par Rudolf Perco, et le Palais Wittgenstein de
Vienne, dessiné par Paul Engelmann, un élève d'Adolf Loos. Margaret
Stonborough possédait le talent rare de créer un environnement
propice à l'activité des chercheurs, des artistes et des intellectuels.
Recrutée au lendemain de la Première Guerre mondiale par Herbert
Hoover (futur président des États-Unis), elle coordonna le programme
d'aide américain pour l'Autriche. Ensuite, elle s'impliqua notamment
dans la réinsertion des jeunes criminels, visitant les prisons et
s'efforçant d'y promouvoir certaines découvertes de la psychanalyse.
À ses yeux, la fortune n'allait pas sans devoirs et son engagement
social fut à l'image de sa personne : énergique, intelligent, novateur.