Michel de Crayencour, le père de Marguerite
Yourcenar, fut un être «mystérieux», et sa fille
qui prit pour nom en littérature Yourcenar, anagramme
presque parfaite de Crayencour, a tenté d'éclaircir ce
mystère. Elle l'a fait par bribes, mémorialiste des instants,
des drames ou des joies. Fut-elle impartiale ? Elle
privilégie les bons côtés de son père auprès duquel elle a
vécu de sa petite enfance jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans
lorsqu'il l'a quittée au terme d'une longue maladie.
Michel de Crayencour reste à ses yeux un personnage
«unique», tout à fait à part dans l'uniformité quasiment
universelle des êtres. Il n'est pas question de le présenter
comme un exemple. Il fut un cas particulier, «un
grand vivant», «un être humain de la grande espèce».
Riche héritier, il dissipa ses biens auprès des femmes et
dans les salles de jeu ; il se grisa de voyages ; il s'étour-dit
de divertissements sérieux ou frivoles sans négliger
pour autant la belle littérature, la poésie classique, les
tragédies de Shakespeare ni l'éducation et la simple
compagnie amicale de sa fille. Son originalité mérite
attention ; elle stimule la curiosité.