Peut-on séparer l'intelligence de Marx de son activisme révolutionnaire ?
Un tel activisme a justifié assez de violence pour être renvoyé au passé qu'il
mérite. En revanche, l'intelligence de Marx demeure l'un des seuls moyens
de comprendre l'irréalité contemporaine. Il y a un parti de l'intelligence à
l'oeuvre dans les analyses du Capital qu'aucune déviation historique ne peut
faire oublier. Une fois délivrée des prophéties faciles, l'analyse marxienne
retrouve sa place au milieu des grandes analyses du fait social, entre Aristote
et Hegel. Elle en prolonge jusqu'à nous les lois les plus profondes car elle
touche au lien entre Dieu et l'or, entre la religion et l'idolâtrie.
Ce Marx pris à rebours de ses interprétations communes ne pouvait être
un Marx protégé derrière des prétextes érudits. Il est celui des mythologies
et des catastrophes annoncées, le Marx qui ne cesse de revenir au rythme
de peurs qui n'ont pas encore de nom. Le Marx de notre temps vit au rythme
des épreuves encourues par la terre et c'est pourquoi il est aussi troublant
que clairvoyant. Mais avec ses dialectiques engagées au plus près de la
fièvre de l'or et des fétiches de la mondialisation, il poursuit un dessein totalisant
de philosophie qui suffit à justifier le maintien d'une perspective
métaphysique dans la pensée contemporaine.