Traversée par de profondes lignes de fracture, la société britannique contemporaine fait aujourd'hui l'expérience de la désunion et du doute. Ce sentiment de crise, qu'exprime le vote en faveur du Brexit, n'est en rien récent. La littérature et les arts plastiques britanniques savent, depuis le début des années 1980, que le corps politique du Royaume-Uni est le lieu d'un conflit des représentations qui ébranle les fondements mêmes de la mémoire collective comme du devenir démocratique. Dire cette crise, la représenter, la mettre en mots et en images, pour repenser le corps politique, telle est la mission que se sont assignée les écrivains et les artistes britanniques d'aujourd'hui. De Martin Amis à Kazuo Ishiguro, de Damien Hirst à Steve McQueen, ils nous convient à une expérience esthétique qui est aussi matière à réflexion. Réinvestissant la puissance politique de la représentation, ils se portent au plus près de la matière même du présent, là où elle dit le monde et se fait comptable de la fabrique même de la démocratie. La rencontre esthétique devient ainsi expérience politique incarnée, prise dans la matière du corps politique.
Du triomphe de Margaret Thatcher au New Labour de Tony Blair, de la crise du Welfare State au Brexit, de l'exposition « Sensation » (1997) qui consacre les Young British Artists, à l'invention de formes de création collectives, l'écriture et les arts visuels n'auront ainsi cessé de réfléchir le corps politique, d'en faire toucher la puissance de questionnement, pour mieux en réinventer les possibles.