En 1950, lors d'un séjour à La Panne chez son amie Andrée
Decroix, Maurice Carême trouve un soir une méduse échouée sur
la plage et la ramène dans l'appartement où il séjourne. De cette
découverte banale en soi, va jaillir, comme l'écrit Rodica Pop à
propos de Médua, «une fascinante transposition des faits réels
vécus par l'auteur et des phantasmes de son esprit».
Doit-on parler d'un aspect inattendu de l'oeuvre ? Ce serait
méconnaître bien des aspects de celle-ci, ignorer l'homme
épris de littérature que Carême fut tout au long de sa vie. Les
grands auteurs fantastiques sont légion dans sa bibliothèque.
Nous citerons entre autres : Maupassant, Oscar Wilde, Edgar
Poe, David Garnett dont il relira à plusieurs reprises le roman
La femme changée en renard lors de la longue et hésitante mise
au point de Médua commencé en 1950 et terminé en 1976.
C'est cette juxtaposition entre le réel et le fantastique qui va
l'amener à ce perpétuel re-travail. Maurice Carême est persuadé
qu'il faut cadrer l'action dans l'évidence de la réalité. Celle-ci
va lui permettre en même temps cette distanciation parfois
fantasmatique du fantastique, mais obtenue toujours - osons
cette métaphore audacieuse ! - avec l'artifice du réel. C'est à n'en
point douter cette caractéristique qui l'éloigne le plus des contes
d'Edgar Poe dont il fut un lecteur passionné.
Faut-il s'étonner en outre de trouver dans Médua ce sentiment
de cruauté qui rend certaines pages hallucinantes ? Il était
déjà présent dans d'autres oeuvres précédentes comme La bille
de verre ou Le royaume des fleurs. Maurice Carême confirme
seulement dans le roman que republie aujourd'hui son ami Jean-Baptiste
Baronian sa fascination pour l'irrationnel, l'étrange, le
fantastique, genres où il s'affirme un des écrivains majeurs de sa
génération.