L'art moderne et contemporain, affranchi des normes de ce qu'on a connu sous le nom d'art durant des siècles, s'est ouvert et a accueilli dans ses procédures des technai de toutes sortes, entre autres archaïques et extra-occidentales. Il s'est à la fois libéré des thèmes, des matériaux, des médiums et des formes privilégiés de ce qui a défini l'oeuvre d'art, et s'est confronté à la mémoire de productions symboliques qui ne connaissaient pas les limitations assignées à l'oeuvre. Dans l'art contemporain tout sujet peut devenir objet d'un traitement artistique, tout matériau ou matière peut y trouver sa forme, tout support et médium peuvent entrer dans l'art, toute forme y est possible jusqu'à l'informe. L'oeuvre d'art bien souvent n'est plus fonction d'une appréhension globale, d'un seul coup d'oeil comme tout intelligible; nombre d'oeuvres outrepassent l'espace et le temps commensurables, sont fragmentées, discontinues, diluées, étendues au-delà du visible, des spectacles se déroulent en une durée qui éprouve le corps spectateur.
Malgré des formations sociales et culturelles diamétralement opposées aux nôtres, l'«art» dit primitif dont les rituels manifestent, sur les plans indiqués, une troublante parenté avec les arts contemporains, notamment plastiques et spectaculaires. L'approche ici du rituel archaïque - qui n'est pas l'étude de tel rituel mais un objet théorique - essaye de comprendre la nature de cette ressemblance, ce qui fait des artefacts archaïques des formes peut-être plus proches de celles de l'art contemporain, que celui-ci n'est proche de l'art des quelques siècles qui précèdent l'art moderne. Il en résulte une réflexion à conduire quant au statut et à la fonction de l'art actuel, à la défection des procédures artistiques que la culture a consacrées et au devenir autre de l'art.