Le chroniqueur indien péruvien Felipe Guaman Poma de Ayala a connu une célébrité tardive : l'oeuvre unique de sa vie, un réquisitoire au roi d'Espagne Philippe III, est restée lettre morte et a dormi pendant presque trois siècles dans le secret des bibliothèques.
Guaman Poma a mis trente ans (de 1583 à 1615) à écrire son livre : voyageur infatigable, observateur avisé et soucieux des intérêts de son groupe, il a réalisé cette immense fresque pour témoigner au nom de ceux qui n'ont jamais eu la parole. Cette oeuvre monumentale est une source essentielle pour la connaissance du Pérou colonial, mais très peu d'études lui ont été consacrées.
De nombreux ethnologues et anthropologues avaient cru percevoir une inspiration et des sources essentiellement indigènes préhispaniques. Loin de cette "pensée sauvage" supposée, Marie-Claude Cabos Fontana montre une acculturation et une christianisation profondes. Guaman Poma de Ayala a assimilé et intériorisé la pensée chrétienne et, au-delà de certaines apparences, c'est un cas remarquable de métissage culturel et de pleine acculturation que montre cette étude riche et originale.