Un jour Carolina Orlando entendit cette déclaration de l'auteur
paraguayen Augusto Roa Bastos : «Un personnage qui pourrait être
moi-même.» Ces mots s'ancrèrent si profondément en elle qu'ils
devinrent la racine même de Mémoires apocryphes d'Augusto Roa
Bastos.
Les histoires sont écrites par Juan, un journaliste qui, en 1978, en
pleine dictature argentine, s'apprête à interviewer sept écrivains exilés.
Quand il se met à lire l'oeuvre de Roa Bastos, Juan découvre qu'il
possède la même plume-souvenirs que Raymond Roussel, celle-là
même qui apparaît dans l'une des notes de Moi le Suprême. Juan décide
alors que sa première interview sera pour Roa Bastos. Après bien
des «détours textuels» (Éric Courthès, préface), il parvient enfin à
réaliser l'entrevue de l'écrivain à Toulouse.
Ces «détours textuels» se métamorphosent en histoires qui,
rassemblées, forment la biographie apocryphe d'Augusto Roa Bastos,
le transformant en personnage de fiction.
Jeux textuels, réécriture, exotexte, palimpsestes, conversations
avec d'autres auteurs, tout converge en faveur du texte dans cette
oeuvre magique.
Mémoires apocryphes cherche à éveiller l'écriture que tout lecteur
critique porte en lui-même. C'est bien ce qui arrive à Juan, le personnage
ordinaire qui tire les ficelles de cette première oeuvre magistrale de
Carolina Orlando.