Alors que les morts sont en bonne santé sous la table, les mots, bien vivants et truculents, raniment la scène algérienne : la ville, d'abord, Aldjezar magnifiée, mythique, envolée sur son tapis d'or et d'azur, tandis qu'à terre les diables noirs sautent, imperturbables, sur leurs semelles de corne, secouant leurs crotales. Et puis, le village lointain où la grand-mère guérisseuse, avec ses fers au feu, ses philtres et ses sortilèges, inscrit une épopée dans la fumée des canouns. Quelques figures citadines passent avec des gestes grandiloquents ou de comiques grimaces, ici Choufoné Yénès, qui se croyait beau, là le facteur de la Casbah, qui se croyait brave. Et l'ombre de Pépé le Moko envahissant la Casbah. Et puis la cousine gourmande qui se gave de yapreks, dans la montée des senteurs juives et des fumets arabes. Langage et voix distribuent couleurs et sons sur la page, tandis que, se détachant des signes, paysages et visages vibrent dans la plongée des coeurs.