C’est une lettre que j’ai imaginée pendant des années sans jamais oser l’écrire — comme toutes ces lettres inachevées dont on se persuade que, une fois envoyées, elles solderaient tous les comptes passés. Le repas avec mes parents et la marche sous le ciel d’avril m’ont enfin décidé. C’est une chance à saisir. La dernière chance. Une lettre pour cet adolescent que j’ai croisé il y a près de trente ans et dont la photo, pour une raison qui me reste inconnue, a eu longtemps sa place dans l’album familial. J’avais six ans. J’ignore son nom. J’ignore son âge. Il était pubère. Je ne l’étais pas.
Oublier ? Pardonner ? Surmonter ? Refouler ? Que peut faire Camille, avec deux « l » et un « e » — deuzéleu —, devenu adulte, pour survivre à ce qu’il s’est passé chez les B. ? Écrivain, il choisit d’écrire, pour témoigner. Sans rien épargner, sans rien excuser. Pour enfin être entendu de ceux qui ne l’ont pas écouté.