Malgré l'éclat légendaire de son nom, Messaline reste une grande inconnue. C'est pourtant à un voyage véritablement extraordinaire que les discrètes, mais fascinantes, traces de l'impératrice nous invitent. Personnification d'un vice, la luxure, et du genre féminin qui lui serait consubstantiel, Messaline est peu à peu devenue un des principaux mythes érotiques de l'Occident jusqu'à incarner la plus sulfureuse (donc aussi la plus souvent censurée) des femmes fatales. Des sources éparses du récit original jusqu'à ses dernières réécritures dans les fictions pornographiques s'articule une figure fantasmatique de la transgression qui, pendant deux millénaires, aura été bafouée et désirée sur tous les supports (poétique, romanesque, théâtral, cinématographique, etc.) à travers les différentes cultures occidentales. Elle-même marginale, elle aura hanté la lisière des « mauvais genres », alimentant une poétique du kitsch à l'obscène, en passant par la comédie vulgaire, mais aussi d'oeuvres fortes en marge du canon, obsédées par sa présence enchanteresse (Pona, Richards, Sade, Jarry, Casanova, Graves, Azpeitia).
Il importe plus que jamais de confronter cette figure au moment même où elle règne paradoxalement sur une époque qui, tout en ignorant sa référence mythique première, est tout entière fascinée par la splendeur dévergondée de ses lointaines héritières, les néonymphos qui, de la musique pop au porno hard, sillonnent la culture de masses du « village global ». Dans ce triomphe ambigu Messaline aura-t-elle enfin trouvé le bonheur ?