Au cours des décennies qui se sont écoulées depuis la Libération, les formes et les conditions d'exercice de la parole sociale ont évolué tellement rapidement et tellement profondément que le terme métamorphoses s'est imposé à nous pour désigner ce que nous avons observé au cours de notre existence et tenté de décrire au long des trente dernières années.
L'urbanisation, la médiatisation et le prolongement généralisé des études ont en moins d'une vie humaine fait basculer dans un passé révolu les façons reçues jusqu'alors de se parler entre familiers, de s'adresser à un supérieur ou à un subordonné. Les anciens parlers liés à la ruralité - patois et langues régionales attachés à un territoire - ont vu s'effondrer leur fréquence d'usage et leur capacité d'échange. Les idiomes urbains ont au contraire connu un essor et une diversification inouïs, au point de concurrencer désormais la « bonne langue » de naguère, que l'École elle-même peine à transmettre avec les valeurs culturelles qui lui sont traditionnellement liées.
Ce petit livre a au fond pour objectif principal de mettre un peu d'ordre dans les sentiments mêlés d'indifférence, de tristesse ou de colère qu'expriment souvent ceux qui ont conscience de cette évolution brutale et qui voient disparaître de son fait une part d'eux-mêmes à laquelle ils ne veulent pas volontiers renoncer.