Cette fois Claudio Magris nous promène du café San Marco à l'église du Sacré-Cœur, à Trieste, en passant par quelques endroits frontaliers, marginaux, secrets d'une Europe à la mémoire vive et au passé brûlant. Il y évoque, y rencontre ou y écoute un portier de nuit, un pêcheur réfractaire, un savant universaliste, un pacifiste mythomane, des joueurs de cartes... - tout autant que Médée, un ours invisible ou une petite fille qui fait du vélo. Les témoins du temps sont des oubliés de l'Histoire, dont la pauvre vie, contradictoire et fascinante, fait et juge l'Histoire.
Neuf noms de lieux constituent les titres des chapitres de ce livre qui n'est ni un journal de voyage, ni un fragment d'autobiographie, ni un essai historique, ni un roman à clefs, mais peut-être bien le récit d'un voyage initiatique, nimbé de la présence d'une Aimée disparue, à travers des lieux, des cultures et des mythes chers à l'auteur et riches d'humanité.
Microcosmes échappe à toute classification : l'érudition se donne comme description, l'analyse assume parfois le rôle du récit, les personnages réels acquièrent une stature épique de héros, et les mythes cadastrent les incertitudes du réel. Magris, homme des confins, efface ici les frontières des genres, des langues, du temps, dans cette quête de soi qu'est tout voyage, «guérilla perdue d'avance contre l'oubli».