En 1931, Joan Miró (1893-1983) dit sa volonté de « détruire tout ce qui existe en peinture ». Depuis une dizaine d'années, immergé dans le « poison » initiatique du milieu parisien, le jeune Catalan, à distance du cubisme, s'est rapproché des différents cercles du surréalisme, d'André Masson à André Breton, et partage leur désir de rupture. L'urgence, au lendemain de la Première Guerre mondiale, est de redéfinir l'image et de mettre en oeuvre un geste collectif de création, susceptible de faire remonter les sociétés modernes à leurs origines. Sur les ruines de l'ancienne peinture, Miró allume alors de nouveaux feux, alimentés autant par Paris que par la campagne catalane, où il place son existence à l'unisson des grandes forces de la nature.
On ne peut plus s'en tenir aujourd'hui à l'idée d'un artiste enfantin ou d'un pseudo-mage, occupé à bricoler des formes naïvement oniriques. Autant que l'allégresse et le goût de l'enchantement, la violence traverse ses oeuvres et leur donne leur profondeur existentielle. Explorer cette tension entre création et destruction permet de mieux comprendre en quoi ces images, ces objets sont, pour nous, d'une brûlante actualité. À l'heure où la définition de l'humain et notre relation au monde vivant connaissent une crise profonde, les recherches de Miró apparaissent plus que jamais comme un point de rassemblement : un foyer au coeur duquel l'expérience de la catastrophe et la puissance d'invention sont inséparables.