Depuis toujours, l'homme est en quête d'un miroir dans lequel il pourrait trouver, enfin ramassée et comprise, l'image de sa propre identité éparse. L'élément d'une telle recherche, il le trouve dans le langage, et avant tout dans deux formes privilégiées de celui-ci : la philosophie et la littérature ; la première cherchant à tout enclore dans un seul concept, et la seconde dans une forme unique. Mais, dans ses manifestations les plus hautes, chacune de ces deux tentatives reste secrètement hantée par l'autre, comme tentent de le montrer, à propos de la littérature, les essais ici réunis. On pourra trouver différentes versions de cette image récapitulatrice dans laquelle se condensent, pour l'homme, non seulement ce qu'il est, mais plus généralement (ou plus singulièrement ?) ce qui est. Elle pourra être l'image d'une chose, d'un infiniment petit résumant tout - la terre de l'alchimiste (cet écrivain involontaire, mais absolu), le point de Pascal, l'atome séminal de Diderot ou de Hugo. Elle pourra être aussi l'image d'un acte sacré - soit bénéfique, soit transgressif - d'une fête liturgique dont Wagner, Mallarmé, Proust tenteraient de fixer le rituel, alors que Barbey ou Gracq y maintiendront l'obsession fasciné du sacrilège. Elle pourra enfin me mettre en présence de quelqu'un, d'une individualité souveraine qui est simultanément toutes les autres et dont on peut donc dire qu'elle est divine : l'Homme-Dieu de Hölderlin et Kierkegaard, apparemment si étrangers l'un à l'autre, l'Ange de Rilke. Dans ce dernier type d'exemples, ce n'est du reste plus à une image que le lecteur a affaire, mais au miroir lui-même devant lequel (et dans lequel) il se trouve traduit et où il rencontre la mesure de son destin comme l'assignation de sa tâche. De ces miroirs - beaucoup sont aujourd'hui brisés - les images évanouies, les fêtes éteintes. Ce recueil est un hommage modeste, mais nostalgique, aux minutieux microcosmes dans lesquels une humanité plus ambitieuse avait essayé - peut-être avec succès - de cerner son énigme.