" La France est molle : la vie politique est terne, la mobilisation sociale réduite à quelques tensions passagères et les débats intellectuels à l'étiage. Les idéologies et les grandes synthèses macro-explicatives sont en recul. La société française semble s'être mise avec désenchantement à l'école des faits. Chacun se sent plus réaliste et patauge le front bas dans la glaise des contraintes. Mais cet apprentissage brutal du réalisme s'est accompagné d'une liquéfaction des représentations de l'avenir, d'un blocage de l'imagination. Du même coup, il ne produit que les plus secs de ses fruits : le consentement aigri aux difficultés de la période. Il n'aide aucun projet à redessiner la figure de ses possibilités. "
Ce constat sans complaisance de Pierre Rosanvallon donne le ton à un livre qui constitue la suite logique de la Crise de l'État-Providence. Il nous montre dans le recueil de ses chroniques publiées dans Libération les principaux acteurs de la vie économique et sociale en porte-à-faux. État, patronat, syndicats, partis, quelles que soient leur idéologie et leur position dans le jeu social, se heurtent aux mêmes réalités : l'efficacité décroissante de la régulation sociale comme du volontarisme économique. Cette "entropie française", comme dit Rosanvallon, débouche sur une crise rampante de gouvernabilité dont il analyse les différents aspects.