Molière et Shéhérazade
« De son côté, la langue française m'a reçue sans condition, sans l'accord des siens. [...] Elle ne m'a pas donné de consignes pour conserver son legs du passé. Elle a poussé ses effets et m'a fait de la place. Elle a rangé dans un coin ce qui lui appartient en propre pour que je puisse y poser mes propres affaires, et m'a filé ses réserves de mots. J'ai compris qu'il ne s'agissait pas forcément pour moi de mettre ma petite pierre dans sa demeure, mais qu'elle m'encourageait à aménager à ma façon ma demeure en elle.
Et souvent, elle me rassure : "Je ne prétends pas te rendre libre, je fais en sorte que tu puisses, à partir de ta demeure en la mienne, voir le monde comme un être libre."
Il me reste à lui poser la question : "Puis-je dire ma mère dans la langue d'une autre mère ?" »