Vers le milieu des années 60, déjà Wanderer dans l'âme, Gil Jouanard
entreprend de noter, de façon discontinue, pour les fixer comme sur une
plaque sensible, les instants qui s'offraient à lui en chemin. Un peu de
tout : une sensation, un souvenir, une scène entrevue dans la rue, un
paysage, une impression de lecture, une réflexion, une saute d'humeur...
Le temps passant, il se trouva propriétaire d'une ribambelle de lopins de
mots épars, sans lien autre que le fait qu'il en avait été le collecteur
attentif ou désinvolte. Que faire de ces coups de sang, de ces rêveries ? Les
Lettrines de Julien Gracq, les Bois secs, bois verts de Cingria, les Papiers
collés de Perros levèrent ses scrupules en lui prouvant qu'on peut faire
livre de tout mot.
Il nous offre de parcourir ici, curiosité en bandoulière, six lustres d'une vie
dont l'écriture aura été le mode de respiration naturel.
«Si j'écris, ce n'est pas pour m'inventer un monde plus vrai ou plus
accompli que le vrai, mais plutôt pour apaiser, d'une encre douce, les
blessures et les déceptions qui s'accumulent en moi sans jamais cicatriser.
J'écris pour faire peau neuve, comme le serpent, comme le criquet.»