«Mon oncle Benjamin n'était pas ce que vous
appelez trivialement un ivrogne, gardez-vous de le
croire. C'était un épicurien qui poussait la philosophie
jusqu'à l'ivresse, et voilà tout. Il avait un estomac plein
d'élévation et de noblesse. Il aimait le vin, non pour lui-même,
mais pour cette folie de quelques heures qu'il
procure, folie qui déraisonne chez l'homme d'esprit
d'une manière si naïve, si piquante, si originale, qu'on
voudrait toujours raisonner ainsi. S'il eût pu s'enivrer
en lisant la messe, il eût lu la messe tous les jours.
Mon oncle Benjamin avait des principes : il prétendait
qu'un homme à jeun était un homme encore endormi ;
que l'ivresse eût été un des plus grands bienfaits du
Créateur, si elle n'eût fait mal à la tête ; et que la seule
chose qui donnât à l'homme la supériorité sur la brute,
c'était la faculté de s'enivrer.»