Le débat sur l'opposition entre monarchie et république à l'époque moderne,
c'est-à-dire sur l'établissement d'un régime républicain qui suppose la destitution
de la personne sacrée du roi, la redistribution des pouvoirs, la réévaluation de la loi
et le remodelage de l'espace social, se cristallise le plus souvent, en tout cas en
France, autour de la Révolution de 1789 et de ses conséquences. Mais le caractère
indéniablement décisif de la Révolution française ne doit pas masquer une autre
«révolution» qui se produisit, en Angleterre, un siècle et demi plus tôt, de 1640 à
1660, et dont les conséquences ont été également importantes quoique profondément
différentes, ne fût-ce que parce qu'elle demeura une affaire intra-britannique.
Ce qui s'est joué en ce moment que Hobbes nommait, dans son Béhémoth, «le
point le plus élevé du temps», c'est d'abord cet acte absolument inouï dans l'histoire
européenne : le jugement et l'exécution de Charles 1er, monarque de droit
divin et ensuite, la proclamation de la république qui allait bien vite se transformer
en régime autoritaire sous la conduite du Lord Protector, Olivier Cromwell.
Ce sont certains aspects de l'effervescence théorique auxquels ce basculement
a donné lieu, à la fois en Angleterre et dans d'autres pays européens, que nous avons
voulu soumettre à l'analyse dans ce volume. Celui-ci commence cependant en
amont de l'exécution de Charles 1er et traite du rapport entre monarchie et république,
au-delà d'une seule réflexion sur le cas anglais, ou plutôt britannique, dans
le XVIIe siècle européen, mais le débat britannique constitue une sorte de centre de
gravité du volume. Sur le plan théorique, le retour sur ce débat et ses répercussions
en Europe conduit à des interrogations comme celles-ci : 1/ quelle est la relation
entre les théories de la république au milieu du XVIIe siècle et celles qui prévalaient
dans l'Italie de la Renaissance ainsi que dans les Provinces-Unies ?, 2/ quelles sont
les mutations que connaît l'idée de république (Commonwealth) à l'époque où se
met en place le concept de l'État moderne autour de la notion de souveraineté ?