Prise entre la légende dorée napoléonienne et le mythe républicain, attaquée de toutes parts pour des raisons politiques et idéologiques et privée des courants qui auraient pu s'en revendiquer et la défendre, la monarchie censitaire a longtemps fait l'objet d'un refoulement collectif et a été traitée comme une simple parenthèse réactionnaire, une hérésie au regard du sens de l'histoire, a fortiori de l'histoire de France.
C'est faire naïvement crédit aux bruyantes proclamations de retour en arrière ; c'est se montrer plus royaliste que le roi de ne pas voir combien, par sa redéfinition de la légitimité du pouvoir, par son renouvellement du personnel politique, par le pragmatisme inédit d'un pouvoir soucieux de se concilier ses administrés, par l'acclimatation du parlementarisme et de certaines libertés civiles et politiques, par sa recomposition tendue des hiérarchies sociales, par son effervescence intellectuelle et artistique, la Restauration, puis la monarchie de Juillet, sont synonymes de rénovation, et donnent alors au pays une place à part dans le concert des nations.
La France et les Français s'engagent dans une douloureuse réinvention de leur passé et s'adonnent à des projets d'avenir qui bouleversent les rapports de force et recomposent les lignes de clivage d'une société en pleine transformation.