Comment dessiner une vue d'ensemble du monde social lorsque les cloisonnements disciplinaires et l'hyperspécialisation du savoir poussent les chercheurs à étudier des parcelles de plus en plus restreintes de ce monde ? Si cette fragmentation est une conséquence du processus de différenciation sociale qu'ils s'attachent à penser, elle est aussi ce qui les empêche d'en faire une lecture globale.
Une question centrale donne pourtant aux sciences humaines et sociales un socle commun : pourquoi les individus font-ils ce qu'ils font ? Et elles y répondent d'autant mieux qu'elles parviennent à saisir les pratiques des acteurs au croisement de leurs expériences passées incorporées et des contextes de leurs actions présentes. Si la plupart des chercheurs en conviennent, peu s'accordent toutefois sur les cadres pertinents dans lesquels les acteurs doivent être situés pour analyser telle ou telle dimension de leurs pratiques. Soumettre les notions de " champ ", de " monde ", de " système " ou de " cadre de l'interaction " à l'examen critique, c'est dès lors œuvrer à leur jonction théorique.
Bernard Lahire s'efforce ici de marquer une distance par rapport à l'état actuel des sciences humaines et sociales et aux clivages qui les traversent en nous donnant la possibilité d'entrevoir l'unité cachée d'un espace en apparence très morcelé.
Bernard Lahire, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon, a publié une quinzaine d'ouvrages, parmi lesquels L'Homme pluriel (Nathan, 1998), La Culture des individus (La Découverte, 2004) et Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire (La Découverte, 2010).