M. de Pourceaugnac vient de Limoges à Paris prendre femme ;
mais l'avalanche de catastrophes que déclenche son projet
incongru vient d'Italie. Par l'étude serrée des scénarios dell'arte
auxquels Molière doit son sujet, Patrick Dandrey suggère de
rattacher à la beffa florentine de la Renaissance et à son génie
du bizutage, entre charivari et carnaval, la tradition de ce
défilé de fourberies, replacé dans le contexte de l'imaginaire
ancien et de ses «courses au fou». Mais c'est son génie seul,
et le désir peut-être de répliquer aux pamphlets moquant
sa maladie prétendue imaginaire, qui inspirent à Molière la
scène de consultation bouffonne où deux médecins abusés
prennent pour «mélancolique hypocondriaque», autrement
dit fou obsessionnel, un Pourceaugnac effectivement affolé.
Cette anticipation du caractère d'Argan, le héros du Malade
imaginaire, suggère entre les deux pièces une filiation qui
invite à inscrire ce Monsieur de Pourceaugnac, tout trépidant
de ses mystifications jubilatoires, dans le plus riche et plus
profond contexte d'une dramaturgie de l'illusion et d'une
anthropologie de l'égarement que tisse de pièce en pièce le
théâtre de Molière.